LE QUOTIDIEN D’UN ADOLESCENT
ATTEINT DE MYOPATHIE DE DUCHENNE
« Je me présente, je m’appelle Grégory, j’ai treize ans et demi. Je vais au collège à Truchtersheim : je suis en 4ème. Les profs sont sympas. » « Et les copains ? » Son visage s’assombrit. « Un bon copain au moins ? » Il secoue la tête. « Ils l’accompagnent à la cantine pour profiter de l’avantage d’être servis les premiers, mais dès qu’ils ont fini de déjeuner ils le quittent ! » me confie la maman. « Grégory n’est pas dupe » ajoute-t-elle.
Heureusement le courant passe bien avec son auxiliaire de vie, un monsieur d’une quarantaine d’années. Ce dernier l’attend à l’arrivée sur le parking, ouvre l’ascenseur, déplace les tables pour lui frayer un chemin jusqu’à sa place, lui déballe les affaires, l’emmène aux toilettes, prend la relève quand notre jeune élève est trop fatigué pour écrire, et prend des notes les rares fois où Grégory doit s’absenter. A table, il lui coupe la viande, mais ensuite Grégory se débrouille seul pour manger.
Sa maman surveille attentivement les devoirs pour qu’il réussisse en classe et les résultats sont au rendez-vous : Grégory savoure son 13,7 de moyenne. Il ne voudrait pas se faire battre par son petit frère Quentin, qui est bon élève. Notre jeune héros aime les arts plastiques et la techno, mais déteste l’histoire et les maths.
En règle générale, c’est Nadine, sa maman qui assure ses trajets scolaires, exceptionnellement le papa. Elle a dû abandonner son travail pour pouvoir se consacrer à son fils. C’est elle qui assume tous les gestes de la vie quotidienne : la toilette, l’habillage, l’installation dans le fauteuil roulant etc. Pour toutes ces activités, elle touche la moitié de ce que toucherait une aide extérieure, mais l’intérêt de son enfant passe avant les considérations matérielles !
Pourtant la famille doit faire face à de lourdes dépenses, qui restent en grande partie à sa charge. Il a fallu acheter une nouvelle voiture avec une rampe d’accès, aménager la maison qu’ils venaient de construire, procéder en plus à une extension afin que Grégory puisse circuler avec son fauteuil roulant spécial.
C’est un véhicule très sophistiqué qui peut l’allonger avant de le redresser pour le mettre à la « verti », selon l’expression de Grégory. La « verti » c’est la verticale, car le jeune homme doit s’entraîner trois fois par jour durant une demi-heure à rester debout sur ses pieds. Pour qu’il ne bascule pas, il est sanglé au niveau de la taille et des genoux. Pour tuer le temps, il regarde la télé. Cet exercice – seul traitement avec des fortifiants pour le cœur – lui permet de maintenir un certain tonus au niveau des jambes qui ont tendance à s’écarter en s’affaissant. Grégory venait de faire l’expérience de ce relâchement, puisque ce fauteuil spécial avait été en réparation durant une quinzaine. S’il pouvait s’exercer une heure à chaque séance, ce serait plus profitable encore, mais cette station debout se révèle fatigante, et même douloureuse au niveau du dos et des mollets.
Un autre exercice – qu’il apprécie – c’est de se baigner, maintenu par une bouée. Vu les températures exceptionnellement estivales cette année, il a déjà été au lac Achard au mois d’avril. Pendant deux heures, il s’en est donné à cœur joie ! Ces séances lui font grand bien, même s’il est épuisé après l’exploit! Dommage qu’il n’y ait pas une piscine aménagée près de chez lui, pour pratiquer ce « sport » toute l’année.
Les problèmes ont commencé vers l’âge de huit/neuf ans. Grégory trébuchait de plus en plus souvent et faisait des chutes. Les parents ont consulté le corps médical avec leur fils, mais il a fallu de longs mois avant que le diagnostic ne tombe. La prise de sang n’a pas donné de résultats. C’est une biopsie prélevée sur le muscle de la cuisse qui a révélé la maladie. Un épisode très douloureux pour toute la famille. Mais les Klein sont courageux. Philippe et Nadine se battent jour après jour pour assurer un quotidien aussi « normal » que possible à leur fils et offrir un décor gai et chaleureux à leurs trois enfants.
Grégory manie son fauteuil avec une dextérité de vieux routier, sans heurter le mobilier, et circule à une vitesse ahurissante pour se rendre dans la cour par exemple! Il adore jardiner… et papa déploie des trésors d’ingéniosité pour lui fabriquer des outils qui lui permettent de remuer la terre. Pour les plantations, maman exécute les ordres de son fils. Grégory rêve de devenir agriculteur plus tard et se passionne pour les tracteurs. Il en a toute une collection, qu’il partage avec son frère, son fidèle compagnon de jeux.
Une autre de ses passions, c’est la pêche. Les trois « hommes » de la famille s’y sont mis, même s’ils ne mangent jamais les poissons qu’ils ont attrapés. Dans la cour, Philippe, le papa, a installé un bassin et Grégory m’a montré comment il nourrissait ses protégés. J’en profite pour lui parler des aquariums des Naïades à Ottrott, des piranhas, du nourrissage de tout ce monde aquatique et je lui demande si une visite avec l’association l’intéresserait. Son regard s’illumine : la réponse se lit sur son visage ! Espérons qu’il pourra être des nôtres lors de cette sortie.
« A-t-il un souhait particulier ? » « Quelque chose que l’association pourrait réaliser », pensais-je en moi-même. Il hésite, regarde ses parents qui l’encouragent à s’exprimer. « Oui, marcher ! », finit-il par souffler… !
A défaut de jambes qui le portent, il a une sorte de moto-cross. Les parents, soutenus par quelques collègues de Philippe ont organisé, à deux reprises déjà, une gigantesque paëlla pour deux à trois cents personnes, ainsi qu’une tombola. La recette de ces manifestations a permis d’améliorer le quotidien et d’acquérir un engin tout terrain. Avec son jeune frère qui se tient debout sur une barre derrière lui, ils parcourent la campagne et goûtent tous les deux aux joies grisantes de la vitesse, car leur « moto » file tout de même à la respectable vitesse de 10km/heure !
En conclusion, je voudrais exprimer mon admiration sans borne à cette famille courageuse et dynamique ! Un grand, un immense BRAVO !