LUTTE CONTRE LE TABAGISME CHEZ L’ADOLESCENT POUR PRÉVENIR L’ÉPIDÉMIE ANNONCÉE DE B.P.C.O.
Professeur Bruno HOUSSET
Président de la Fédération Française de Pneumologie
Plus on commence à fumer jeune, plus tôt peut survenir le handicap respiratoire. Ainsi, actuellement, le risque de B.P.C.O. (Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive) chez les fumeurs est réel dès l’âge de 40 ans.
Différentes études montrent que l’âge de début du tabagisme a baissé : selon une enquête de l’INSERM, la première cigarette est actuellement consommée en moyenne à 13,6 ans chez les filles et à 13,4 ans chez les garçons, alors qu’une enquête réalisée chez 324 fumeuses âgées de 30 à 70 ans montre qu’elles ont commencé en moyenne à fumer à 19 ans et demi.
39% des adolescents fument quotidiennement et la consommation est supérieure à 10 cigarettes par jour chez 29% des filles et 26% des garçons.
A la suite des différentes mesures prises en 2003-2004 :
- Augmentation du prix du tabac (+ 40%),
- Campagnes d’information,
- Interdiction de vente au moins de 16 ans,
- Interdiction du tabac dans les établissements scolaires,
La prévalence du tabagisme des jeunes a diminué de 2 à 3% mais de façon inégale sur l’ensemble du territoire. Mais ces résultats sont encore notoirement insuffisants : une étude récente montre que la moitié des adolescents fumeurs est moyennement, à fortement dépendante (score de Fargentröm > 5). La prévalence du tabagisme (occasionnel ou quotidien) est de 47,8% chez les adolescents interrogés.
Quels sont les facteurs qui influencent le tabagisme des jeunes ?
- La tolérance ou la désapprobation parentale joue un rôle important dans la prévention du tabagisme des jeunes.
- Une étude réalisée dans un pays nordique a mis en évidence que la diminution du tabagisme chez les jeunes a été consécutive à la mise en place et au respect par les adultes d’une réglementation plus stricte (restriction du tabagisme dans les espaces publics et augmentation du nombre d’adultes entreprenant un sevrage).
L’ensemble de ces données montre l’importance de la sensibilisation aux méfaits du tabac pour éviter que les adolescents fumeurs ne deviennent à l’horizon de 15 à 20 ans, des malades souffrant de B.P.C.O.
INSERM 2000-2002, Beck et Legley 2003, Enquêtes CNMR 2004 et 2005, Hastier et coll. Revue des Maladies Respiratoires 2006.
LES PRINCIPAUX SIGNES D’ALERTE DE LA B.P.C.O.
Docteur Nicolas ROCHE
Pneumologue à l’Hôtel-Dieu (Paris)
Le risque de BPCO est particulièrement important chez une personne âgée de plus de 40 ans qui a présenté :
- un tabagisme supérieur à 10 paquets-années (soit 1 paquet par jour pendant 10 ans, 2 pendant 5 ans…)
- Ou une exposition professionnelle prolongée ou intense à des toxiques inhalés agressifs pour l’appareil respiratoire (gaz, vapeurs, poussières, fumées…)
Envisager le diagnostic chez toutes les personnes présentant ces critères représente leur seule chance d’enrayer la maladie suffisamment à temps.
Pour porter le diagnostic, deux moyens s’imposent, soit :
- une mesure complète ou « exploration fonctionnelle respiratoire » ;
- une mesure simple au moyen d’un appareil nommé « mini-spiromètre électronique », accessible à tous et d’utilisation simple.
Une fois porté, le diagnostic de BPCO, encore asymptomatique, constitue un facteur de motivation supplémentaire à l’arrêt du tabac. Des vaccinations sont également plutôt recommandées (grippe, pneumocoque) ainsi que le maintien d’une activité physique régulière indispensable.
Si le diagnostic n’a pas été porté au stade « à risque » évoqué ci-dessus, il doit l’être sur la base de plusieurs symptômes :
- Toux chronique, volontiers « grasse » (production accrue de mucosités par les bronches), définissant la « bronchite chronique » ;
- Essoufflement, pour des efforts d’abord importants, puis de plus en plus réduits ;
- Episodes d’aggravation (appelés « exacerbations »), souvent qualifiés de simples « bronchites aiguës », mais anormalement répétitives (plus de 2 par an) ou bien persistant au-delà d’une semaine.
Ces symptômes sont trop souvent banalisés et méconnus des personnes à risque et, même, de leur médecin et de leur entourage : « la toux, l’essoufflement, les bronchites, c’est normal lorsqu’on est fumeur ou ancien fumeur ».
L’essoufflement n’est parfois pas ressenti comme tel par le malade qui s’ignore et compense souvent inconsciemment pour ne pas en souffrir : il réduit ainsi son activité et adapte sa vie quotidienne qui s’en trouve moins gratifiante.
Il convient donc d’être vigilant et de détecter cette réduction d’activité, souvent attribuée à tort à d’autres facteurs (âge, sédentarité, prise de poids, manque de temps…).
La découverte du diagnostic à un stade symptomatique conduit à mettre en œuvre des mesures qui permettent de réduire le handicap :
Ces démarches ont d’autant plus de chances d’être efficaces qu’elles sont mises en œuvre tôt.
Docteur Nicolas ROCHE
LES BÉNÉFICES DE L’INTERDICTION DU TABAC DANS LES ENTREPRISES ET DANS LES LIEUX PUBLICS EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE LA BPCO
Professeur Philipp GODARD
Président de la SPLF
L’interdiction du tabac dans les entreprises et les lieux publics a été récemment décidée par le gouvernement ; elle est effective depuis le 1er février 2007 et se mettra progressivement en place pour être complète le 1er janvier 2008.
Les effets délétères du tabagisme passif sur la santé sont clairement démontrés depuis plusieurs années par de nombreuses études permettant d’atteindre un niveau de preuve élevé.
Les méta-analyses récentes ont permis de souligner l’importance des cancers broncho-pulmonaires, infarctus du myocarde, asthme et BPCO qui sont attribuables au tabagisme passif.
De plus, l’arrêt de l’exposition au tabac des autres améliore le souffle de près de 10% chez les sujets normaux et de 15% chez les asthmatiques.
Ont peut également espérer une baisse du tabagisme de 3 à 5%. Les fumeurs eux-mêmes en tirent bénéfice car ils réduisent leur consommation journalière de cigarettes.
Les sociétés savantes en ont tiré la conclusion logique qu’il faut interdire le tabac le plus possible pour diminuer les risques et les effets du tabagisme passif. Les résultats obtenus dans les pays où de telles mesures d’interdiction du tabac ont été prises, prouvent la validité de la démarche.
Il faut certes interdire et contraindre, mais cela ne sera réellement efficace que, si, également, l’information et le renforcement des messages pédagogiques accompagnent ces mesures, en d’autres termes si on éduque la population à renoncer au tabac.
Une expérience éloquente en Ecosse !
Etude prospective chez 105 barmen non-fumeurs de février à juin 2006 menée avant et après la mise en place de la législation anti-tabac de mars 2006.
105 personnes suivies, 77 ont terminé
Evaluation : clinique, spirométrie, cotinine, inflammation (sang, eNO)
ê
- Amélioration des symptômes à un mois et mieux encore à deux mois
- Diminution des taux de cotinine sérique
- VEMS : + 8% - + 15% chez les asthmatiques
- Diminution du eNO
- Diminution des PMN
- Amélioration de la Qualité de Vie
Source : JAMA 11 octobre 2006
LES MOYENS MIS EN ŒUVRE LORS DE LA JOURNÉE MONDIALE CONTRE LA BPCO
Professeur Gérard HUCHON,
Président du Comité National contre les Maladies Respiratoires (CNMR)
En novembre 2005, le ministère de la santé publiait le « plan BPCO », plus complètement nommé : Programme d’actions en faveur de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) : « connaître, prévenir et mieux prendre en charge la BPCO », disponible à l’adresse : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/bpco/sommaire.htm.
Pourquoi cette décision ? Quelques chiffres la justifient amplement :
Face à ces constats, les objectifs généraux du plan BPCO sont de :
Pour les atteindre, 6 axes sont identifiés :
L’information du grand public, objet prioritaire de la journée mondiale contre la BPCO du 15 novembre 2006, fait partie des mesures mentionnées dans 3 de ces axes (axe 3, axe 5, axe 6).
Pour rassurer et sensibiliser le public à la BPCO, aux risques qu’elle fait encourir et aux moyens simples de la détecter, plusieurs opérations ont été menées en 2005-2006 (Mesure du Souffle, Capital Souffle, Destination Respiration). Toutes ont été soutenues par la Direction Générale de la Santé et réalisées grâce à une collaboration de l’ensemble des instances pneumologiques : Comité National Contre les Maladies Respiratoires, Société de Pneumologie de Langue Française, Fédération Française des Associations et Amicales d’Insuffisants Respiratoires, Association BPCO ; certaines de ces opérations sont effectuées en partenariat avec l’industrie pharmaceutique.
A l’échelle nationale :
A l’échelle départementale :
Les Comités Départementaux Contre les Maladies Respiratoires animeront des opérations locales de rencontre Pneumologues / Grand Public, avec l’appui des éléments fournis par le CNMR (affiches, dépliants…).
Cette année, l’association BPCO a choisi d’évoquer la maladie sous un nouvel angle, celui des « racines du mal ». Trois grands thèmes seront discutés : le tabac, à l’origine de 90% des BPCO, le tabagisme passif, les aspects environnementaux, qu’il s’agisse des pollutions professionnelles ou domestiques. Experts médicaux et personnalités du monde politique se sont associés à la réflexion et feront part de leurs analyses.
Prévention en milieu professionnel :
Depuis la création de l’Association BPCO, les médecins du travail soutiennent sans relâche notre action. Nous avons décidé d’engager avec eux une vaste opération de dépistage de la BPCO dans leur entreprise. Pour cela, nous avons réuni un groupe pilote composé de 7 médecins du travail qui ont participé activement à l’élaboration du projet et le déploient dans leur entreprise depuis le 15 octobre pour une période de trois mois. Cette opération sera étendue à 200 médecins du travail en 2007… à suivre.